L'auberge de Fengshi, la ville du Vent.

Karada pénétra dans l'auberge, après avoir confié Wangma et ses bagages au fils de la patronne, qui s'occupait de l'écurie. Elle s'assit à une table, et, épuisée, commanda une boisson chaude et réconfortante, ainsi qu'un copieux repas. En attendant qu'on les lui apporte, elle décida de faire le point sur le début de son voyage.

Ils (elle et son cheval) étaient partis à l'aube, afin de pouvoir parcourir le plus de chemin possible avant la nuit. Ses parents lui avaient remit une petite somme d'argent, après s'être bien assurés qu'elle ne manquerait de rien au cours de son périple. Vêtue avec autant d'extravagance que de coutume, elle progressait lentement, et devait faire de nombreuses pauses. Lorsque le soleil fût haut, dévorée par la faim, elle entama une miche de pain, qu'elle accompagna de chocolat. Il fondait vite, et elle avait dût écourter sa pause déjeuner. Ils avaient très vite reprit leur chemin vers le Nord. Ils avaient traversé quelques village de taille minime, mais ne s'y étaient pas arrêtés : Karada savait où elle allait. Elle avait en effet apprit de la bouche de son maître qu'il existait à une petite journée de marche au Nord de Xingshi une ville du nom de Fengshi, ou « Ville du vent », et où il avait connu un Laoshi. Elle avait donc décidé que ce serait la première étape de son périple.
La route qui menait à Fengshi était une large voie pavée, bordée d'arbres et de fleurs colorées. Par endroits, une voie secondaire se détachait, partant vers des fermes isolées, mais la route principale restait la plupart du temps droite, et Karada ne craignait pas de se perdre. Alors que le jour déclinait, elle avait envisagé de poser ses bagages sur un rocher plat qui se trouvait à proximité, et de monter Wangma, pour ne plus avoir à marcher, mais surtout pour aller plus vite car elle voulait dormir dans un vrai lit, et non pas dans un fossé. Elle avait alors comprit qu'elle avait atteint sa limite, et qu'elle commençait à délirer, et ne pourrait plus aller bien loin. Cependant, étrangement, la chance lui avait sourit, et sous ses yeux émerveillés, elle avait découvert la partie Sud de Fengshi, à quelques centaines de mètres. Illuminées par le soleil couchant qui les nimbait d'une lueur dorée tirant sur le rose, les façades de pierre blanche se dressaient devant la jeune fille, qui, éblouie, n'avait pût lâcher des yeux les hautes tourelles étroites, lumineuses, coiffées d'un toit pointu d'ardoise, créant un contraste saisissant et merveilleux. De grandes bâtisses paraissant sorties d'un conte de fées encadraient une voie large pavée de gros blocs de calcaire qui ne paraissaient pas avoir subit le passage de milliers de voyageurs au cours des siècles. À droite, un cours d'eau tombait en cascades pour rejoindre une rivière plus large, qui s'écoulait paisiblement vers l'océan situé à des centaines de kilomètres à l'Est. Les gouttelettes folles qui s'échappaient de la cascade étaient frappées par les rayons du soleil, et étincelaient, créant une multitude de petits arc-en-ciels. Même le plus obtus des êtres ne pouvait résister à un tel spectacle, et celui-ci était un réel réconfort pour les voyageurs épuisés qui atteignaient la ville.
Karada était entrée dans la ville par les portes principales, suivie de près par Wangma, et se trouva mêlée à un flot dense de personnes de tous types, voyageurs, commerçants, jeunes sortant pour aller à la taverne la plus proche, tous étaient tellement différents et co-habitaient pourtant si aisément que la jeune fille avait comprit qu'elle était là dans une grande ville, et elle s'était sentie mieux, de nouveau dans son élément après cette longue journée passée sur les routes. Sûre d'elle, elle avait repéré une grande auberge, luxueuse, plus proche de l'hôtel que de l'auberge pour aventuriers baroudeurs. Elle avait confié son cheval à un palefrenier, et s'était avancée vers un long comptoir de marbre. Une jeune femme extrêmement bien vêtue, d'apparence très soignée, l'air aimable, avait observé Karada de la tête aux pieds. Devant ses cheveux emmêlés, sa tenue couverte de poussière et déchirée par endroits, la jeune femme avait ravalé son air aimable, et d'une voix dure et cassante, s'était adressé à Karada.

« -C'est pour quoi ?
-Je veux une chambre, bien placée, confortable, et qu'on me monte mes bagages et un repas chaud immédiatement. »

Karada avait répondu d'une voix habituée à commander, tout en tendant la main pour se saisir de la clé de sa chambre, que la réceptionniste n'allait sûrement pas tarder à lui tendre. Cependant, au lieu de prendre une clé, cette dernière avait éclaté de rire avant de faire un signe à un homme grand, apparemment très musclé, qui avait entrainé Karada vers la sortie et l'avait poussée dehors sans ménagement tandis que le palefrenier ramenait Wangma. La jeune fille avait alors hurlé à l'intention de l'homme quelque chose à propos de ses parents, d'une plainte, et d'une vengeance, avant de se rendre compte que de nombreux passants la regardaient en riant. Karada avait alors eu honte, et avait prit la fuite, talonnée par son cheval. Elle avait erré jusqu'à la nuit dans la partie basse de la ville avant de se décider à franchir la volée de marches qui séparait les deux parties de Fengshi. Les hautes marches de marbres s'étaient transformées à mi-chemin en des marches de bois usées, pour la plupart de guingois. Alors qu'elle commençait à désespérer, Karada avait aperçu cette auberge à l'apparence assez pitoyable, et avait décidé d'y passer la nuit avant de redescendre loin de ce cauchemar, là où son rang social lui donnait le droit d'occuper une chambre digne de ce nom, et d'obtenir un repas décent.

La patronne de l'auberge, une femme forte et très impressionnante, déposa brusquement une grande assiette remplie de mets odorants ainsi qu'une tasse remplie d'un liquide brûlant. Elle contempla un instant la jeune fille à l'air épuisé, vêtue d'une robe qui avait dû être belle, et trouva que Karada faisait peine à voir. Elle paraissait avoir beaucoup souffert, et avoir traversé des épreuves rudes, et, prise de pitié, elle décida de ne pas lui faire payer son repas, pensant sans doute que sa jeune cliente n'avait pas besoin d'un poids en plus sur ses épaules (trouver de quoi payer le repas qu'elle avait mit tout son cœur à faire).

Karada, elle, n'y vit qu'une simple marque de respect, et pensa que l'aubergiste avait lu en elle combien elle méritait qu'on lui offrit ce repas qui, chez elle, n'aurait même pas nourrit les serviteurs. Elle acheva rapidement son assiette, et monta dans sa chambre, avant de s'effondra sur le lit, ivre de sommeil.

Le lendemain matin, Karada se leva, et prit un solide petit déjeuner. Elle s'était lavée, avait changé ses vêtements, et s'apprêtait à sortir lorsque l'aubergiste la retint.

« -Vous m'avez l'air d'aller mieux...
-Totalement, je vous remercie. »

Karada commençait à se diriger vers la porte, mais l'aubergiste poursuivit :

« -...J'en suis heureuse mais il faudrait peut être voir à payer votre chambre.
-Cette pièce minuscule avec un lit tout juste bon à être jeté aux ordures?
-Celle la même, oui. Vous comptez rester longtemps ?
-Jusqu'à ce que je trouve quelque chose de mieux. »

La conversation se poursuivit par un échange de banalités, puis Karada ouvrit la petite bourse de cuir sombre qui renfermait l'argent donné par ses parents. Elle en sortit quelques pièces qu'elle tendit à l'aubergiste, et se détourna, sans un regard de plus pour la matrone.


Lorsqu'elle rentra le lendemain soir, ses vêtements étaient déchirés en de multiples endroits, ses cheveux étaient raides de saleté, et elle avait d'énormes poches sous les yeux. Elle tituba jusqu'à une table, et commanda à manger. Un voyageur s'assit à sa table et se présenta.

« Je me prénomme Zouren, et je suis un voyageur. Je suis là depuis plusieurs jours, car j'exécute une mission aux alentours de Fengshi, cependant je trouve mes soirées bien longues. Je me souviens vous avoir vue partir la veille au matin, mais je ne me rappelle pas vous avoir vu hier soir, ni ce matin. C'est pourquoi je vous propose un marché. Vous me racontez vos aventures de ces deux derniers jours, et en échange je vous offre ce repas. »

Karada était outrée devant l'arrogance du voyageur, cependant elle comprenait qu'elle devait économiser son argent le plus possible, et se rendait compte qu'elle ne pouvait pas refuser qu'on lui offrit un repas. Pendant qu'elle réfléchissait à la proposition, une lourde chape de sommeil et de lassitude s'abattit sur ses épaules, et les quelques bières que lui offrit l'inconnu pour lui délier la langue aidèrent à l'achever. Elle se mit alors à parler sans retenue, s'arrêtant uniquement pour enfourner de grosses bouchées du ragout à la texture étrange apportée par l'aubergiste.

« Je suis partie hier matin dans le but de trouver un endroit mieux pour me loger. Je suis allée dans la partie Sud de la ville, et j'ai demandé une chambre dans tous les hôtels que j'ai trouvé. Cependant, ils demandaient tous un prix inouï, et j'avais beau promettre de rembourser, dire que je contacterai mes parents, personne n'a cédé, et tous m'ont mise à la porte. Il devait être midi passées lorsque j'ai renoncé. J'ai alors erré dans la ville et je me suis arrêtée pour acheter de quoi manger. Je n'imaginais pas qu'on pouvait demander autant pour une simple pâtisserie. Peut être parce que j'en ai acheté une demie douzaine. Peut être...
-C'est tout ? Tu n'as pas quelque chose d'un peu plus distrayant à raconter? Je ne t'offre pas ce repas pour rien tout de même !
-Mais...
-Pas de mais, je veux de l'histoire, du combat, de l'action quoi ! »

Zouren commençait à l'agacer, il avait demandé une histoire, il l'avait eue ! Pourquoi devrait-elle raconter sa vie à un individu à qui elle n'aurait jamais eu l'idée d'adresser la parole en temps normal ? Néanmoins, elle poursuivit, sachant pertinemment que la suite de son histoire risquait fort d'intéresser le voyageur.

« Je me suis assise sur un muret pour manger. C'est fou comme cette partie de la ville paraît magique ! On ne la croirait pas réelle !
- Trêve de blabla, je veux de l'action bon sang !
-Elle arrive ! Pendant que je mangeais, deux hommes sont passés près de moi en discutant. J'ai saisit le terme de Laoshi dans leurs paroles, c'est pourquoi je les ai interpelés. Je leur ai demandé où trouver le Laoshi de cette ville. Ils ont rit, comme si je délirais, puis m'ont expliqué que je le trouverai à l'extrême Nord de Fengshi. Je me suis mise en marche, mais je me suis très vite perdue dans le dédale de rues. À un moment, je me suis retrouvée prise dans un cul-de-sac. Devant moi s'élevait un mur de bois, appartenant à une vieille bâtisse très haute. Au pied du mur se trouait un tas d'ordures. Et derrière moi j'ai entendu un rire. Quand ... je me suis retournée ... il y avait un homme qui me fixait ... et qui tenait un long couteau et ... qui tendait la main vers moi... »

Elle avait longtemps lutté contre la fatigue, mais celle-ci la terrassa, et Karada s'endormit sur la table, laissant un voyageur frustré de n'avoir pas entendu la suite de ses aventures, alors que ça devenait intéressant. Laissant un peu d'argent sur la table, l'individu sortit dans la nuit noire, tandis que l'aubergiste débarrassait la table, en essayant de ne pas réveiller Karada.

((Si vous voulez que l'homme détrousse Karada, tapez 1, si vous voulez qu'elle l'assomme avec un sac d'ordures, tapez 2 !))

Alors que l'auberge était pratiquement vide, et que la lueur des torches commençait à vaciller, Karada se réveilla. Elle contempla d'un œil incrédule la vaste salle, et compta qu'il restait en tout 5 personnes. Elle se demandait ce qu'elle faisait là, quand une voix se fit entendre, toute proche.

« Vous me devez la suite de votre récit. »

Karada se tourna vivement vers l'origine de cette voix, et aperçut tout près d'elle une visage marqué, doté de multiples cicatrices, qui ressortaient étrangement sur le hale de la peau de l'homme. Effrayée, elle recula subitement, manquant de tomber de sa chaise, et reconnut Zouren, le voyageur. Elle se frotta les yeux, gémit à l'idée de la corvée qui l'entendait, et, se tenant à une distance respectable de l'homme, poursuivit son récit.

« Où en étais-je... L'homme dans la rue ? Oui, voilà! Il avançait vers moi avec son couteau, et tendait la main vers moi. Et puis il s'est mit à tituber, et s'est effondré à mes pieds, un couteau planté dans le dos. Un homme est apparu derrière lui, et s'est approché de moi, avec un sourire avenant. Il avait l'air rassurant, j'ai donc estimé qu'il ne représentait aucun danger pour moi. Et, comme toujours, mon instinct avait raison. Il s'agissait en fait de Xuren, le frère du Laoshi que je cherchais ! Il m'a apprit que celui-ci était en voyage, qu'il était parti dans les contrées du nord du pays, là où il fait froid et que tout est sauvage, et qu'il ne savait pas quand son frère reviendrait, s'il revenait. Haren, - c'est le nom du frère de Xuren -, n'a pas donné signe de vie depuis des mois, et n'a pas envoyé un seul courrier à son frère, ni aucune instruction. Il m'a offert quelques heures de repos et un maigre repas, et m'a chargée de revenir à l'auberge réunir mes affaires. Et je me suis perdue en chemin, cette ville est un véritable labyrinthe ! Je pense que mes aventures à Fengshi s'achèvent maintenant, et que je vais partir en quête du second Laoshi. Toutefois, Xuren souhaite que je l'accompagne à la poursuite de Haren... Je ne sais pas quoi faire. »

Le voyageur se caressa le menton, une lueur avide dans ses yeux pâles. Il contempla tout d'abord Karada, qui mangeait quelques tartines en se frottant les yeux, puis il tenta d'estimer l'heure qu'il était en regardant à travers les vitres crasseuses, puis renonça. Sa mission aux alentours de Fengshi s'était achevée dans la nuit, et un nouvel objectif se profilait à l'horizon. Haren était riche, et probablement en grand danger. S'il le sauvait, il obtiendrait une bonne récompense. Cependant, si celui-ci était déjà mort, Zouren pourrait ramener son corps et prétendre à une récompense très importante aussi. Peu importe dans quel état se trouvait le Laoshi, il y gagnait. Il reporta son attention sur la jeune fille, et se dit que vu la fortune qu'il allait amasser grâce à elle, il pouvait bien payer son copieux petit déjeuner. Il la salua avec un sourire affable, puis se leva et partit. Vers le Nord.
Pendant ce temps, Karada remonta dans sa chambre. Elle avait besoin de sommeil, mais aussi de prendre une décision importante : devait-elle suivre Xuren, ou bien partir à la recherche du second Laoshi ?

((Courage, ça va peut être devenir intéressant ! =p))